Eau trouble : Les libéraux de Carney affrontent les conservateurs de Poilievre dans une élection façonnée par Trump

Alors que la course électorale fédérale commence, le Parti libéral du Canada, maintenant dirigé par Mark Carney, détient 153 sièges, suivi du Parti conservateur du Canada, dirigé par Pierre Poilievre, avec 120. Le Bloc québécois compte 33 sièges, le Nouveau Parti démocratique (NPD) 25 et le Parti vert 2. Avec la ligne de départ fixée, à quoi ressemblera la ligne d’arrivée le 28 avril?

Priorités des Canadiens

Tout d’abord, les priorités canadiennes ont changé radicalement depuis la réélection du président Donald Trump. Le plus récent sondage Léger établit que les tarifs douaniers américains, Trump et l’agression américaine sont les enjeux les plus importants pour 41 % des Canadiens. Cela correspond à un récent sondage d’Abacus qui suit ce chiffre à 50 %. Pourtant, le coût de la vie demeure le problème dominant pour 61 % des Canadiens dans le même sondage. Il n’est pas surprenant qu’en tant que plaque tournante du secteur manufacturier du Canada, où les exportations vers les États-Unis représentent 74 % et 82 % de leurs exportations totales, c’est au Québec et en Ontario que les Canadiens sont le plus préoccupés par les tarifs douaniers américains. Il est intéressant de noter que les Canadiens plus âgés, en particulier ceux de plus de 55 ans, partagent également un niveau élevé de préoccupation. Pendant ce temps, les inquiétudes concernant l’économie demeurent stables à 36 % chez les Canadiens, selon Abacus, alors que l’abordabilité du logement et les soins de santé ont glissé aux 4e et 5e enjeux nationaux.

Le facteur Trump et la campagne électorale

L’élection du président Trump et la démission du premier ministre Trudeau ont certainement bouleversé le paysage politique. Les conservateurs, qui avaient une avance de 20+ points, se sont évaporés dans les jours qui ont suivi les premiers tarifs douaniers et les menaces d’annexion. À l’approche de l’élection, les libéraux et les conservateurs sont statistiquement à égalité à 39 % et 37 % selon les derniers sondages agrégés. Les libéraux sont maintenant largement favoris pour former un gouvernement majoritaire avec 178 sièges contre 131 pour les conservateurs, mais encore à seulement 7 sièges d’une minorité.

Qu’est-ce qui a motivé ce changement sismique? Trois facteurs se démarquent à notre avis. D’abord, certains électeurs libéraux avaient temporairement réservé leur vote pour les conservateurs, attendant que Trudeau – largement impopulaire après neuf ans au pouvoir – annonce qu’il quitterait ses fonctions le 6 janvier. Deuxièmement, l’élection de Trump et ses menaces tarifaires, associées à des menaces d’annexion, ont fait sauter les relations entre le Canada et les États-Unis au premier plan des préoccupations des électeurs. Un pourcentage stupéfiant de 43 % des Canadiens craignent maintenant de perdre leur emploi au cours des 12 prochains mois, soit une hausse de 3 points en une semaine. Troisièmement, les libéraux détiennent un avantage dominant (+14) sur les conservateurs dans leur capacité à gérer Trump, selon Abacus. Trump a déclaré qu’il était en faveur de traiter avec Carney, cela fera-t-il pencher les électeurs canadiens vers Poilievre avant la campagne électorale?

Le manuel électoral des libéraux

Cette avance libérale se maintiendra-t-elle en l’espace d’une élection écourtée sous la direction de Mark Carney, qui n’a pas fait ses preuves et n’a pas été élu? Son expérience internationale et bancaire pourrait constituer un curriculum vitae intéressant pour naviguer dans l’incertitude économique et la récession. Le jury n’a pas encore tranché. Les Canadiens décideront en fin de compte, mais les enjeux n’ont jamais été aussi élevés, probablement pas depuis les élections fédérales de 1988 sur l’accord de libre-échange. S’agira-t-il d’une élection à un seul enjeu pour déterminer « qui peut le mieux défendre le Canada contre Trump et les tarifs douaniers? » C’est certainement le cas. Le fait de renoncer à des mesures clés de Trudeau, comme la taxe sur le carbone ou l’impôt sur les gains en capital, suffira-t-il pour que les Canadiens oublient ce que beaucoup ont appelé la « décennie perdue »? M. Carney l’espère certainement, car il se présente déjà comme « le nouveau gouvernement du Canada ».

Le manuel électoral des conservateurs

Les conservateurs, cependant, ne sont pas exclus de la course. Bien que n’importe quel chef dans une démocratie moderne préférerait de loin une avance de 20+ points, le fait est qu’avec ces chiffres, le soutien aux conservateurs ne diminuerait probablement que pendant une campagne électorale. Les médias aiment les courses de chevaux, après tout. Sur des questions clés – le coût de la vie (+17), l’économie (+18), l’immigration (+43) et la criminalité (+35) – les données d’Abacus montrent que les Canadiens font le plus confiance aux conservateurs. Le défi de Poilievre est clair : élargir l’objectif de la campagne au-delà du « Spectacle quotidien Trump » aux questions qui comptent également, et espérer que les Canadiens soient à l’écoute tout en liant Carney au bilan de Trudeau.

Le sondage Abacus montre que les conservateurs détiennent une nette avance chez les électeurs du groupe d’âge de 30 à 44 ans (+6) et sont très compétitifs chez les 45 à 59 ans (+8). Les deux partis sont pratiquement à égalité parmi les électeurs de 18 à 29 ans qui sont moins susceptibles de voter. Dans une course serrée, la campagne sur le terrain et la capacité des partis à faire sortir le vote seront des facteurs encore plus importants cette fois-ci.

Un gouvernement minoritaire ou majoritaire et ses répercussions pour les Canadiens.

L’Ontario, qui a vu un bloc d’électeurs recommencer à soutenir les libéraux, sera le principal champ de bataille pour les conservateurs et les libéraux, tandis que l’appui au Québec pourrait faire la différence entre un gouvernement majoritaire ou minoritaire, selon la performance des partis fédéralistes dans la province. Avec seulement sept sièges prévus pour les néo-démocrates, une répétition de la coalition de facto libérale néo-démocrate de la dernière législature semble improbable aujourd’hui (14 % de chance) selon www.338canada.com. Pendant ce temps, le Bloc québécois a fermement rejeté l’appui général à tout parti, compliquant davantage la voie vers un gouvernement stable en situation minoritaire.

Si un Trudeau progressiste n’a pas réussi à convaincre les électeurs néo-démocrates d’appuyer son programme lors des dernières élections pour former une majorité, il est difficile de croire que Mark Carney, le banquier international, s’en sortira beaucoup mieux auprès de ces électeurs si la course se resserre. Un gouvernement minoritaire pourrait encourager le président Trump dans un contexte de menaces à la souveraineté et à l’économie du Canada. En revanche, un gouvernement majoritaire donnerait au prochain premier ministre le pouvoir d’affronter Trump en position de force, armé de la légitimité et de la souplesse nécessaires pour relever le défi plus efficacement.

En conclusion

Un obstacle pour Pierre Poilievre pourrait être de convaincre les Canadiens que les libéraux – qui ont gouverné une croissance du PIB par habitant presque nulle au cours de la dernière décennie, une crise du logement et écarté la possibilité d’un deuxième mandat de Trump en dépeignant les conservateurs comme des clones de MAGA – ne sont PAS en fait le parti le mieux placé pour diversifier l’économie, améliorer l’abordabilité du logement et contrer les tarifs douaniers américains en un clin d’œil. Un sondage Ipsos donne à Carney un avantage de 17 points sur Poilievre en tant que négociateur plus fort pour obtenir le meilleur accord pour le Canada du président Trump. C’est une perception qui renforce certainement la cause libérale et qui peut éclipser toute autre considération au cours d’une courte campagne de 37 jours. Le désir d’un changement de gouvernement est tout de même élevé chez les Canadiens, soit 57 %, avec 43 % des électeurs libéraux et 57 % des électeurs néo-démocrates qui pourraient changer d’idée, comparativement à seulement 27 % pour les conservateurs. La dernière fois que le désir de changement était si élevé a amené la « voie ensoleillée » de Trudeau en 2015.

Le vote libéral pourrait-il passer aux conservateurs ou le vote néo-démocrate aux libéraux d’ici le 28 avril pour assurer un gouvernement majoritaire ? Une chose est claire : peu de gens pouvaient prévoir que cette élection commencerait aussi serrée il y a à peine six mois. En politique, comme dans une course de chevaux, la ligne d’arrivée révèle tout.

Source:

  1. Léger, leger360.com
  2. Abacus Data, https://abacusdata.ca
  3. 338 Projections fédérales du Canada, https://338canada.com/federal.htm
  4. Financial Post, https://financialpost.com/
  5. Angus Reid, https://angusreid.org
  6. Forbes, https://www.forbes.com
  7. The Wall Street Journal, wsj.com
  8. Global News, https://globalnews.ca/
  9. Ipsos, https://www.ipsos.com/en-ca
  10. Yahoo, https://ca.news.yahoo.com/
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